A présent cela devait faire longtemps qu’elle était là, assise sur ce trottoir sous la pluie, les yeux fermés. A vrai dire, elle ne savait plus bien elle-même. C’était comme si le déluge lui enlevait toutes pensées, elle se sentait vide, agréablement vide. Plus aucune émotion ne s’immisçait en elle. Elle appréciait cette caresse glacée, comme l’eau d’une lance à incendie sur un feu destructeur. Quelquefois, il lui arrivait d’ouvrir ses paupières et de regarder les passants, certains la remarquaient et lui lançaient des regards dédaigneux ou l’ignoraient, tout simplement, mais tous fuyaient les pleurs du ciel. Mais cette fois ci, lorsque ses yeux s’ouvrirent, se fut pour remarquer qu’il faisait nuit et qu’il n’y avait plus personne. Mais elle ne bougea pas pour autant, maintenant qu’elle n’avait plus de toit, cela lui importait peu. La pluie, la nuit, les gens, plus rien n’avait de réelle importance ; elle dormirait dehors ce soir comme hier.
Finalement, elle se mit à songer malgré tout. Elle se repassa la journée dans sa tête. De toute façon, elle n’avait pas fait grand-chose. Au début, elle s’était rendue dans un centre-commercial pour chercher du travail, sans succès. Puis dans les boutiques adjacentes, et encore une fois, se fut en vain. Elle se rassurait en se disant que demain était un autre jour, mais elle savait bien que cela n’était pas vrai. Malgré sa "nouvelle vie", si on put nommer ainsi vivre à la rue, elle ne souhaitait pas retourner chez ses parents. Vivre par ses propres moyens avait été un de ses nombreux caprices, elle ne voulait pas céder aux moindres petits obstacles qui se dressaient sur son chemin, quoique, il y en ait déjà franchi beaucoup. C’est sa propre fierté qui ne lui permettait pas de retourner dans cette maison où elle avait vécu tant d’années. Ce n’était pas tant le regard de ses parents qui la gênerait, mais son propre regard, ce qu’elle penserait juste en se voyant dans un miroir. Peu de gens pouvaient réellement comprendre cela, mais comme toujours, elle s’en fichait, la seule personne importante à ses yeux était elle-même. Elle était même convaincue que ne pas lutter entièrement pour soi-même, c’était aller droit dans le mur, ne pas vivre égoïstement, c’était perdre d’avance.
Elle s’étira paresseusement, peut-être fallait-il qu’elle se lève maintenant ? En tout cas, elle n’en trouvait pas la motivation, alors elle se contenta juste de se redresser et de se frotter les yeux. Seulement, quelque chose lui fit relever la tête brusquement, un rapide coup d’œil au alentour, rien. Du moins, en apparence.
"Il y a quelqu’un ?" Prononça-t-elle doucement.
Presque aussitôt, elle se sentit stupide d’avoir put dire cela. A coup sûr il n’y avait personne.