Nostalgie [PV Lorcan]

La nuit était déjà bien avancée et son astre rond bien haut parmi les étoiles. Je marchais sans but dans les rues de ce pays qui n’était pas le notre. Ce n’était pas que je ne plaisais pas ici, le Japon avait ses charmes et ses avantages et il nous avait été nécessaire de venir ici . Cependant, cela n’était rien comparé à l’Irlande qui nous avait vus naître. Ses étendues d’herbes vertes à perte de vue, ses falaises, son climat difficile, ses légendes, ses créatures insolites, il n’y avait rien qui pouvait rivaliser avec tout cela. Encore moins le béton qui recouvrait à présent le sol, ces immeubles aux façades électriques et clignotantes, l'odeur de la transpiration et de l'alcool, tout ici n'était qu'artifice. C'en était écœurant.

J’aspirais encore ce soir au calme et à la tranquillité. N’étant pas de ceux qui peuvent rester en place, amateur des plaisirs sous bien des formes, il m’arrivait de me rendre auprès des humains pour les assouvir. Un choix que ne comprendraient sans doute pas mes semblables de clan qui me prennent pour un être décadent et libertin, cynique et provocateur, ce qui n’est pas tout à fait faux. Et me voilà satisfait de ce masque que je porte, il me permet de pouvoir évoluer parmi eux sans que mon cœur ne me pèse trop. Je sais que la seule chose que je désire ardemment, je ne la posséderai jamais, quoi que je fasse. Ce fut douloureux, même pour un corps mort comme le mien, d’accepter ce fait. C’est pourquoi je préfère noyer mon esprit dans les voluptés. Après tout, jouer ce rôle me va si bien.

D’un geste souple, je m’assis sur la branche d’un saule pleureur qui se trouvait là. Les yeux plongés dans les millions de lumières qui illuminaient le ciel obscur, la brise s’amusa doucement dans mes cheveux sans pour autant m’importuner. Elle emmena mon odeur avec elle et m’en ramena une autre, reconnaissable. Mais elle ne m’apprit rien, le lien du sang m’avait déjà averti de la présence de l’un des miens. Il était pourtant assez étrange que ce membre-ci se retrouve sur mon terrain de chasse, si je pouvais appeler cela ainsi. Je vis alors ses longs cheveux de geais virevolter non loin de moi et je n’eus pas besoin de tourner la tête pour voir son visage, ses traits, je les connaissais par cœur pour les avoir vus si souvent.

« Il assez rare de te voir si loin de la demeure. Te serais-tu perdu ? » Une pointe d’ironie dans la voix.

Je me demandais souvent s'il n'y avait donc que ce lien du sang qui nous unissait. A vrai dire j'aurais préféré que ce ne soit pas seulement que ça, mais lorsque, à mon réveil en tant que vampire, je lui avais demandé pourquoi moi, Lorcan était parti dans un de ces rires que lui seul peut faire et, au final, il avait réussi à éluder ma question. Il n'y avait sans doute là qu'un caprice, pourtant j'étais heureux à n'en pas douter d'avoir croisé la route de ce puissant vampire.

Messages : 10 Date d'inscription : 22/03/2010

Le fond du ciel était encore rougeoyant lorsque quelque chose sembla bouger dans le sous sol déserté, un de Fallen city. La première étoile apparut, brillant faiblement au dessus du japo,. Puis une autre, jusqu’à ce que les ténèbres repoussent les derniers rayons de soleil derrière l’horizon. Cette fois, il n’y avait aucun doute possible : quelque chose avait bougé sous le sol.

Cela faisait près de quatre millénaire que cette majestueuse mais inquiétante cavité était creusée sous la ville. Mais depuis plusieurs semaines , une bande d’individus étranges semblait y avoir élu domicile à nouveau. Un homme aux longs cheveux noirs qui effleuraient le sol respira l’air de la nuit. Il venait de quitter les draps de soie d’un rouge très sombre, et il était encore totalement nu. Lorcàn Ò Laighin s'éveillait à peine.

Il attrapa son pantalon et l’enfila rapidement. Quelque chose, une ombre, dans son esprit attira son attention. L’un de ses frères était de sortie. Impossible de s’y tromper, même de loin, c’était Treasach. Si son cœur battait encore, Lorcàn aurait eut un raté. C’était la réflexion qu’il se faisait chaque fois qu’il le voyait au réveil. Comme chaque fois que le jour et le sommeil qu’il apportait les coupait l’un de l’autre. Ô Morphée, adjugeant au repos la même souffrance que la question*, ne pouvais tu t’abstenir de te glisser entre eux ?

Il s’appuya contre le montant d'un lampadaire et le regarda dans le parc. Ce soir, Lorcàn n’avait pas faim. Ou du moins, le monstre qui grouillait dans ses entrailles n’avait pas faim de sang humain cette nuit là. Comme beaucoup d’autres nuits, il voulait autre chose. Une chose qu’il désirait a chaque instant que durait son éveil nocturne, qui le tiraillait parfois même le jour, au creux de ses rêves, mais qu’il ne satisferait jamais car Lorcàn ne le laisserait pas l’obtenir.

Il réclamait son vassal. Il réclamait l’abandon de son corps. Il réclamait l’affliction de son âme. L’épanchement de son cœur. La perte de sa raison sous des assauts plus que condamnables. Il voulait l’entendre crier sous ses mains et… Lorcàn chassa ces idées proscrites de ses pensées en secouant la tête avec brusquerie. Soupirant, il enfila son grand manteau, qu'il tenait encore sous le bras, l’enfila directement sur son torse encore nu et glacé.

Un bruit le tira de sa contemplation. Il bougea du confort fâcheux dans lequel il s’était disposé. Ses pas le menèrent à une clairière où trônait un saule pleureur majestueux. Il sourit et avança jusqu’à l’arbre, où était perché le « jeune » homme qui avait motivé ses pensées ces derniers siècles.

« Il assez rare de te voir si loin de la demeure. Te serais-tu perdu ? »

« Perdu ? rien de tel. Je fuyais seulement le vacarme incessant d’une fratrie encline à pousser des cris dès le lever »

A sept comment vouliez vous rester au calme quelque instants ? sa raison était aussi plausible qu’elle était fausse. Mais qu’importait ?

Spoiler:

Mes prunelles mordorées se posèrent un instant sur lui, elles étaient luisantes et reflétaient la lumière de la lune, ce qui leur donnait une touche totalement d’irréel. Pourtant je ne vis pas ce visage tant admiré, ni cet air froid qu’il prenait souvent, et encore moins ce sourire éclatant qu’il pouvait avoir. Ce soir, les longues branches du saule semblaient se soucier de moi et vouloir me protéger de ce que je pouvais douloureusement ressentir lorsque je voyais mon créateur, puisqu’elles s’étaient mises entre nous. La brise fraîche, quant à elle, ne paraissait pas de cet avis et tentait désespérément de soulever les lourdes ramures de l’arbre. Rien n’y fit, le rideau opaque resta immobile et je dus donc me contenter de regarder à nouveau l’astre de nuit.

« Toi ? Fuir ? Cela ne te ressemble pas vraiment. » Un brin moqueur.

Il était vrai que, lorsque toute le clan se trouvait en même temps dans la demeure, cela pouvait se transformer en un brouhaha à vous faire saigner les oreilles. C’était pour quoi je partais dès que je me réveillais, bien que je ne fusse pas dans les premiers. En fait la fuite n’avait pour moi rien à voir avec ce puissant et orgueilleux personnage que j’idolâtrais depuis qu'il avait croisé ma route et je ne pouvais m’imaginer que le sang pur s’en était déjà servi, ne serait ce qu’une fois, dans son existence. Je le voyais bien plus suivre ses idées, aller de l’avant et ne pas se soucier du reste. Pourquoi aurait-il à penser aux conséquences ou bien à des chemins détournés ? Je savais qu'il était cependant assez intelligent pour ne pas foncer tête baissée dans un conflit dont il ne serait pas sûr de ressortir vainqueur.

« Et ainsi tes pas t’ont mené vers le plus bruyant et énervant de tes infants. Quelle malchance… »

Après réflexion, je n’étais sans doute pas le plus objectif à son sujet et nul doute que mes autres frères ne devaient pas le voir de la même façon. Mais je n’y pouvais pas grand-chose ses yeux rouge-sangs m’avaient subjugués dès que je les avais croisés. Voilà déjà plusieurs minutes que je m’épanchais sur le sujet dans ma tête alors que je tentais de ne pas trop y penser. Je chassais bien vite ses rêves inavouables lorsqu’ils se produisaient, ses pensées incessantes qui me poussaient à tendre la main et le toucher. C’était à en devenir fou et peut-être bien que c’était ce que j’étais. Mais amèrement très lucide aussi. Je savais qu’il n’y aurait jamais rien entre lui et moi parce qu’à ses yeux je n’étais qu’un de ses trop nombreux vampires qu'il avait mordu. Et je ne ferais jamais rien pour essayer de changer les choses, parce que j’avais ma fierté et que pour moi exister dans son ignorance était beaucoup moins pire que dans son rejet.

« Mais je ne vais pas davantage t’importuner, Mo Máistir. »

Je répétais ce mot, je ne l’appelais qu’ainsi. Sans doute pour me rappeler à moi-même à chaque instant le sens unique de notre relation. Possible qu’il n’y en aurait jamais eu, si nous n’avions pas été liés par le sang. Et en lâche que je suis, je n’en suis pas capable. Ne plus le voir serait comme faire disparaître une immense partie de moi-même et je ne le voulais pas. Cela faisait des siècles que je gardais tout précieusement et personne ne devait jamais le savoir. Surtout pas Lorcan. Je descendis de la branche avec autant de légèreté que je l’avais montée. A présent il devait voir mon visage fermé et mon sourire en coin, un brin moqueur. Je fis alors quelques pas dans les hautes herbes tout en levant les yeux vers l’astre de nuit.

« Que ta soirée soit sanglante! »

Messages : 10 Date d'inscription : 22/03/2010

Le saule ne cachait de Treasach que les formes distinctes. De là où il était, Lorcàn l’apercevait et captait des éclats de ses yeux mordorés. C’était une situation très poétique. Trea dans les bras de l’arbre immortelle-ment triste, lui au pied, à demi appuyé sur le tronc. A demi caché par les larmes végétales d’un éternel agonisant, des entrevues et des images partielles de tableaux millénaires qu’il connaissait par cœur. La lune jetait sur leur peau pâle ses rayons d’opaline, le faisant luire avec une finesse irréelle. Leurs voix graves qui sonnaient comme des cloches d'église, sourdes, chaudes et résonnantes dans la moiteur de ce début de nuit. Angélus sonnant moquerie et tendresse. Glas pour la séparation. Lorcàn aurait voulut que cette romance dure encore. C’était un peu idiot. Mais s’il avait put le faire sans briser l’image qu’il s’était fondue pour ses infants, il se serait assis là et il aurait dessiné la scène.

En effet Lorcàn, qu'il avait quitté son cher Connemara , s’était emplit de résolutions et d’un mode de penser très différents. Il était passé d’un personnage silencieux, colérique mais joueur et prompt aux prises de plaisirs, à celui orgueilleux d'un protecteur –même si ce n’était pas toujours évident à voir – sans pitié ni patience. Étant le plus vieux et le plus fort, il avait assez naturellement hérité du titre de « chef » de clan. Ce rôle lui pesait souvent mais on ne l’avait jamais entendu s’en plaindre. Même les autres chefs de clans, qui le connaissaient depuis plusieurs centaines d'années, n’avaient jamais vu son aîné flancher. Sa technique pour ne rien laisser voir ? La fuite, après la colère bien sur. Se retirer dans ses appartements ou sortir en prétextant qu’ils l’agaçaient ou l’ennuyaient.

- « L’esquive, Trea. L’esquive ! La peur motive la fuite. L’esquive vient d’un besoin de recul pour mieux continuer un combat ou attaquer sur un autre front. »

Il sourit légèrement dans le vide, il aimait jouer sur les mots. Peut être plus par soucis de clarté que par mauvaise foie. Ce n’était pas nouveau. Il bénit sa répartie de l’avoir si facilement tiré de cette image de fuyard, qui était aussi gênant qu’erronée. Il n’était pas un lâche.

- « Ah oui ? Rioghàn est dans le coin ? »

Sa remarque indiquait clairement ce qui lui avait tapé sur le système et avait occasionné son « esquive » du manoir.Depuis le déménagement, le plus jeune de la "fratrie" ne cessait plus de piquer des colères puériles et particulièrement bruyantes. De plus elles finissaient toujours pas se diriger vers Lorcàn qui refusait toujours fermement de céder à un quelconque caprice. Il appréciait Treasach pour cette raison également, il était assez adulte pour être agréable à vivre. Lorcàn eut une pensée pour Lughaidh qui était plus vieux mais beaucoup moins mature que l’immortel aux yeux d’or noir.

Trea voulait s’en aller, il descendit de sa branche. Mo Máistir. Il était se renfrogna . Il était en train de le détailler, le voyant enfin tout entier et ces deux mots lui firent l’effet d’une douche froide. Il détourna les yeux de son infant pour se reconstituer un regard neutre à lui présenter. Revenant à sa place il se permit tout de même une remarque qu’il hésita à regretter.

- « Si morne, puisque tu te refuses à égayer. »

L’invitation à lui tenir compagnie était lancée, elle resta quelques secondes en suspend. Le temps qu’il fallut pour qu’elle soit assimilée. Il attendit la réponse. Immobile. Comme une statut de pierre figée dans le temps.

C'était vraiment étrange que d'entendre ce maitre manipuler les mots avec tant d'éloquence, tout autant que de lire sur ces lèvres autre chose que des piques et des jurons. Il me plaisait à croire que ce côté prolixe de la personnalité de mon aîné n'était pas dévoilé à tous, mais je n'étais pourtant pas assez naïf pour m'imaginer que cela n'était le cas qu'en ma présence. Il me fallait reconnaître que je n'avais jamais été le centre d'attention de Lorcan, mis à part lorsque je cherchais des noises à ce petit frère un peu trop envahissant et collant. Appeler cela de la jalousie était sans doute justifié mais ce n'était pas un mot à employer devant moi ni à y faire allusion de manière détournée non plus. J'avais du mal à concevoir que ce petit arrogant et ingrat fut le seul et unique intérêt de cet orgueilleux seigneur, qui ne s'était jamais donné la peine jusque là de s'occuper de qui que ce soit.

« Moi qui croyais qu'une nouvelle fois il était accroché à ta jambe. »

Je ne cachais pas mon antipathie envers le dernier né de la fratrie mais je n'avais nul besoin, ici, dans ce parc, par ce temps clair et ce ciel étoilé, en présence de celui qui m'a créé, mon départ proche, de continuer à parler de cette petit chose horripilante que pouvait être Rioghan. La brise fit à nouveau bouger mes cheveux que la voix de Lorcan rompit à nouveau le silence. Ses mots eurent pour effet d'immobiliser mon corps sur le champs. Avais-je bien compris le message? Je tournai la tête dans sa direction, posant enfin mes prunelles sur cet être à la fois si magnifique et pourtant inaccessible. Rageant, vraiment.

« Serais-tu en train de me proposer de rester avec toi? »

Il s'agissait là d'une phrase pensée tout haut sur un ton à la fois amusé et incrédule, bien qu'elle ne nécessitait pas de réponse de la part de ce déroutant vampire. Je fis alors volte-face et une fraction de seconde après j'étais devant lui, scrutant ses envoûtants lacs de sang de mes prunelles mordorées. Je cherchais là un signe qui pourrait me mettre sur la voie quand j'eus soudain un retour à la raison: j'allais interpréter les choses comme je l'entendais et surtout à mon avantage, je voyais là un clin d'œil du hasard qui m'avait fait croiser la route de mon aîné. Je n'avais aucune raison de ne pas en profiter, surtout que nous n'étions que tout les deux.

« Qu'entends-tu par égayer, au juste? » Sourire en coin.

Je sentis l'odeur du sang, un humain, à un bon kilomètre de là. Mon instinct de prédateur me fit coincer entre mes dents ma lèvre inférieure qui fut maladroitement entaillée par un de mes crocs, faisant perler un peu de mon sang. Je n'y prêtais aucune attention particulière, bien trop concentré sur ce qui se passait plus loin et qui m'avait fait rompre le lien visuel entre mon Lorcan et moi. Mon réveil avait eut lieu seulement quelques heures avant. Deux heures pour être plus précis. Et si le temps n'était pas en soi une mesure qui me parlait clairement, mon appétit, lui, était une donnée très claire. J'avais faim mais pas que de sang, voilà qui était ennuyeux. Je reposai les yeux sur le vampire aux longs cheveux de geais, me doutant bien que lui aussi s'était rendu compte de ce qui se tramait plus haut. Cependant, hormis mes appétits ainsi éveillés et l'odeur du sang de cette femme encore vierge, il existait quelque chose, ou plutôt quelqu'un qui était capable de retenir toute l'attention de la bête malgré sa soif. Et il était juste devant moi. Il me fallut faire un effort surhumain pour garder le contrôle. Ce que je fis, recomposant le masque de la provocation et de l'ironie ne me léchant le sang sur mes propres lèvres.

Messages : 10 Date d'inscription : 22/03/2010

Évoquer directement Rioghàn irritait toujours Treasach, sa réplique ne se fit pas attendre et elle lui arracha un sourire noyé par l'orgueil. Il n'était pas dupe quant à la raison de ce mécontentement, oh non, loin de là! Il cernait parfaitement la jalousie maladive de ce dernier. Rioghàn monopolisait son attention à coup de caprices, toujours plus farfelus et, même s'il n'y cédait pas, Lorcàn s'amusait de chacune de ces crises. Treasach se sentait venu au second plan.

D'une certaine façon il avait raison. Lorcàn le reléguait au deuxième tableau dans les faits strictes et cela était parfaitement voulu. Cela lui permettait entre autre de ne pas faire de gaffe. Il y avait chez le premier de ses cadets, quelque chose qui lui soufflait inconsciemment qu'il mettait en danger tout ce qu'il avait construit en plusieurs siècles. S'il en donnait trop a Treasach, et que ce dernier prenait l'idée d s'en servir, Lorcàn savait qu'il ne pourrait pas l'éliminer pour régler le problème.

- « Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il lui arrive d'être moins collant que mon ombre »

Mais rien au monde n'aurait su le convaincre de venir passer du temps avec Treasach seul. Ce n'était souvent pas un long moment, quelques minutes à peine, un heure ou deux tout au plus. Ils étaient souvent dérangés par les fonctions de Lorcàn en tant que chef ou bien Rioghàn faisait un nouveau caprice. Mais peu importait, si ces interventions se réalisaient et donnaient d'autant plus l'impression à Treasach qu'il passait après beaucoup de choses, Lorcàn lui n'en avait cure. Bien qu'il s'en défende fermement, au moins avait il réussit à se libérer un peu. Cependant il n'était pas naïf au point de croire que son cadet s'en rendait compte. Mais ce soir...

Un sourire se dessina tranquillement sur ses lèvres, un sourire froid, certes mais un sourire tout de même. L'étincelle sanguine de ses pupilles se fit joueuse. Bien sur que c'était une invitation à rester à ses côtés! Comment pouvait il en douter ainsi? Il le laissa le scruter à son aise. Il n'aimait pas spécialement qu'on le regarde mais ses yeux sur sa peau de craie et de nacre le brulaient agréablement. N'étant pas troublé par des détails comme sa respiration, qui se serait sans doute bloquée sous l'impatience de la réponse, il resta parfaitement immobile. Digne et droit, comme une statue de pierre d'église.

« Montre-moi comme tu sais t'occuper de ces petites choses qui se permettent de passer si près de chez nous à une telle heure »

Le contraste de sa canine laiteuse sur ses lèvres était du plus bel effet. Tout son esprit se concentra sur cette vision sans qu'il ne puisse rien y faire. Un frisson mort le parcourra lorsque cette traitresse de goutte sanguine perla sur la chaire désirée. C'était démoniaque d'être tentateur à ce point! Il fallait qu'il pense à interdire ce genre d'hérésie! Se rappelant qu'ils étaient des vampires froids et sanguinaires il ravala cette pensée digne d'un prêtre et son esprit se laissa balader hors de tout contrôle. Lui envoyant Treasach à terre, lui ouvrant la blessure pour que la perle se transforme en rivière de rouge, lui embrassant furieusement Treasach, partageant son liquide vital alors que... STOP!! c'était une pente glissante ça!! Il secoua la tête un instant pour chasser ces idées impies et indignes du chef de clan froid, cruel et redoutable qu'il était. On ne touchait pas ses infants de la sorte. Il jeta à nouveau un regard à Trea, la faim semblait le porter en transe, il ne s'était vraisemblablement rendu compte de rien. Il se pencha à son oreille et murmura.

- « Allez, a l'attaque! »

S'il avait été au courant de toutes les pensées et les stratèges de son puissant créateur vampirique,nul doute qu'il se serait posé une question essentielle: pourquoi maintenant? D'autres auraient suivi la première: pourquoi ce soir après autant de siècles passés ensembles? Que s'était-il donc passé dans la tête de Lorcan pour qu'il prenne un risque aussi dangereux que de jouer avec son infant ainsi? Avait-il donc atteint les limites implacablement dictées par sa raison et sa volonté? Cette nuit sans lune à regarder Treasach de par la fenêtre était-elle celle de trop? Oh oui, à n'en pas douter, les questions auraient fusé dans l'esprit du jeune vampire,sans qu'aucune réponse ne lui soient fournies par l'intéressé. Il fallait dire que le terrible seigneur de clan était passé maître dans la dissimulation, impossible pour le vampire aux yeux dorés de lire en lui. De toutes les façons, il ignorait l'effet qu'il pouvait lui faire, sinon il en aurait abusé depuis déjà longtemps, afin de parvenir à ses fins. Le noctambule à la chevelure sombre avait raison de se méfier de ses réactions.

Leur proximité était inhabituelle, cette peau froide et pâle qui faisait écho à la sienne, les bruits de leurs étoffes créés par de subtiles mouvements et imperceptibles par d'autres oreilles que les leurs, l'atmosphère qui paraissait s'électrifier alors que le ciel était étoilé, et que dire de cette voix à son oreille. S'il avait été vivant, il en aurait frissonné, soupiré en guise de réponse. S'il avait été autre chose qu'un de ses infants, il se serait collé à lui et aurait pris ses lèvres tentatrices. Seulement il n'était rien de cela, juste un vampire parmi tant d'autres mais qui portait son nom. Lorsque Rioghan arriva, le premier mordu trouva à cela beaucoup moins de valeur. Il caressait là un rêve impossible, celui d'être autre chose qu'un membre du clan dans les yeux de son vis-à-vis. Lorsque Lorcan se mit à lui parler à l'oreille, l'incitant à aller chasser, il se recula légèrement pour pouvoir plonger ses yeux dans les siens. Rien qu'un instant, avant de poser une main sur l'épaule puissante de l'irlandais tandis qu'il pencha son visage dans le cou de ce dernier. Là, il lui laissa entendre le bruit de sa langue qui sortait d'entre ses lèvres et lécha avec une lenteur calculée sa jugulaire jusqu'à son oreille. Il se stoppa pour susurrer d'une voix sensuelle un « comme tu voudras », lui suggérant ainsi qu'il allait obéir, même s'il pensait avoir trouvé quelque chose de bien plus intéressant que ce vampire en train de se repaître un peu plus haut...

La seconde qui suivit, il se tenait devant leur semblable qui avait osé venir jusqu'à leur territoire alors qu'il ne faisait pas partie du clan. Inutile pour lui de sortir son arme, vu le niveau de celui qui se tenait devant lui. Sans un mot ni regard, il lui arracha la tête de ses mains et la tint tout en fixant son maître qui venait d'arriver. Une autre seconde et le corps sans vie du vampire disparu en cendres qui s'éparpillèrent entre eux, créant ainsi un mur translucide. La femme se mit à crier et s'évanouit presque aussitôt mais elle ne toucha pas le sol car Treasach tendit le bras pour la récupérer. Il la garda contre lui, le dos de la femme contre son torse. Doucement, et toujours sans quitter du regard Lorcan, il dégagea ses cheveux longs de son cou et y planta les crocs. Ses yeux se teintèrent de rouge tandis qu'il se repaissait de ce liquide de vie. Volontairement il n'en laissa pas une goutte et le corps sans vie tomba dans un bruit sourd sur le bitume. Du sang coulait au coin de sa bouche et il se pourlécha outrageusement devant celui qui le rendait insatiable et fébrile.

Ses prunelles étaient dissimulées sous quelques mèches de cheveux bruns, son propre corps se réchauffait, gorgé de ce liquide pourpre tout juste avalé. Il n'allait pas laisser passer cette occasion, et l'idée de provoquer son seigneur n'avait pas de prix, et encore moins de parvenir à le faire céder. Peu lui importait les moyens. Il ôta le premier bouton de sa chemise, puis le second, il savait qu'il avait toute l'attention du vampire au sang pur. D'un geste calculé, il enfonça ses ongles dans la peau de son cou et se griffa à sang, le long de sa jugulaire,faisant ainsi couler de son fluide mélangé à celui de la femme. Il donna un coup de langue sur son index pour y gouter.

« Notre faim est sans limite... Insatiable... Tout comme le désir... Mais qu'en est-il pour quelqu'un comme toi qui ne vis qu'en se mettant des limites? Qui passe son temps à se cacher derrière son masque d'intouchable. Je t'ai longtemps observé et j'ai toujours cherché ce qui me ferait avoir toute ton attention. Voilà qui est chose faîte. Que vas-tu faire à présent? Nous contenter tout deux ou bien regarder ma plaie se refermer? » Sourire en coin.

» Lorcán Ò Laighin